Avec le mois de juin, comme beaucoup de tribunes d’orgue, celle de Saint-Barnard va s’éveiller de la longue léthargie que l’hiver impose, d’une manière générale, aux organisateurs de concerts et au public (quoique celui-ci soit parfois sollicité à venir affronter les frimas pour Noël ou d’aussi froides Pâques) ! Il n’est, en effet, point d’instrument soumis autant aux contingences, les premières d’entre elles étant finalement les conditions de la météo qui influent, non seulement sur l’entrain du public, mais aussi sur toutes les parties constitutives de l’instrument, faites de matériaux vivants qui réagissent aux brusques passages du chaud au froid, du sec à l’humide, en faisant fluctuer l’accord des tuyaux. Heureux pianistes, clarinettistes ou musiciens d’orchestre, officiants dans le confort de leur auditorium ! La présence de l’orgue dans les seules églises (une spécificité française alors que l’Allemagne ne compte plus les salles de concerts avec orgue, bâties dans des villes moins grandes que Valence…), malgré l’aura mystique propre à l’élévation de l’âme dont elle entoure ces sons superbes, est finalement un frein à la diffusion de son répertoire, auprès d’un plus large public, accueilli dans des conditions de confort convenable, et auquel on cache l’instrumentiste.
Les Amis de l’orgue de Saint-Barnard reprennent donc leur activité (qui avait cependant déjà marqué un public nombreux pour la Saint-Barnard avec un concert généreux de Maxime Heintz, et pour Pâques avec l’étonnant ensemble vocal Vibrations) en ce mois de juin : chaque samedi sera l’occasion d’un de ces Jeux d’orgue organisés depuis presque quarante ans dans le but de mettre en valeur le bel instrument de la collégiale.
C’est le jeune organiste Thibaut Duret qui ouvrira cette série. Il a travaillé l’orgue avec des professeurs renommés (François Henri Houbart, Yves Lafargue et Pierre Perdigon) aux Conservatoires de Grenoble et Rueil Malmaison. Il a pu y obtenir diverses récompenses, dont un prix d’excellence et un prix de perfectionnement à l’unanimité avant de s’en aller poursuivre sa formation auprès de François Espinasse et Liesbeth Schlumberger au Conservatoire National Supérieur de Musique et danse de Lyon. Thibaut Duret a également travaillé l’écriture musicale avec Franck Vaudray, ainsi que l’improvisation avec Loïc Mallié, Gabriel Marghieri et Franck Vaudray. Nommé titulaire du grand orgue de la Cathédrale de Chambéry en 2009, il enseigne l’orgue au Conservatoire de Bourgoin Jallieu depuis 2011. On a pu entendre Thibaut Duret à Notre Dame de Paris, à La Madeleine, à Lyon (Primatiale St Jean, Fourvière, St François), dans diverses villes de métropole mais aussi de Guyane, au Luxembourg et dans de nombreux festivals.
Pour cette « remise en jambe », le jeune musicien propose au public romanais un programme très classique qui permettra d’entendre, sous des doigts aguerris, des œuvres maîtresses du répertoire. A tout seigneur tout honneur, Johann-Sebastian Bach ouvrira ce programme avec l’immense « Prélude et fugue en mi bémol majeur », œuvre spéculative, propre aux interprétations d’une structure très élaborée, codifiée, mais aussi d’un lyrisme impressionnant. Le choral « Schmücke dich, Ô liebe Seele » apportera un contraste saisissant en raison de sa sérénité, de son ample et chaleureuse courbe mélodique tout en effusion contenue et en charme souverain ! Felix Mendelssohn, redécouvreur de Bach au XIXème siècle, écrivit plusieurs sonates et préludes et fugues en hommage au Cantor de Leipzig. Thibaut Duret jouera la « Quatrième Sonate », en si bémol majeur, en quatre mouvements (allegro, andante, allegretto et allegro). Œuvres hybrides, au climats changeants et contrastés, ces sonates sont l’expression d’un romantique aux prises avec le langage classique. Imitations du Maître et recherches personnelles se mêlent et élaborent un langage très personnel, immédiatement reconnaissable. César Franck apporta un renouveau tout aussi important à l’orgue français, au milieu du XIXème siècle, en lui rendant une rigueur dans la technique d’interprétation. Son langage, très élaboré et d’une totale rigueur dans sa construction et son écriture balayait, lui aussi, le relâchement que connut l’instrument dès après la Révolution et pendant près de cinquante ans. Sérieuse, mais empreinte d’un souffle épique rare, d’une flamme évocatrice et poétique, la musique de César Franck, organiste de Sainte-Clotilde à Paris, est celle d’un véritable romantique -comme en témoignent aussi ses œuvres pour piano. Thibaut Duret jouera le beau « Prélude, fugue et variation » et la triomphante « Pièce héroïque ».

Thibaut Duret à Saint-Barnard, samedi 7 juin à 17h30, entrée libre, participation aux frais.