Base d’écoute
Les grandes pages du répertoire de l’orgue présentées en quelques lignes + un lien vers un enregistrement disponible sur YouTube = une base de données pour l’écoute des œuvres « de base », pour une meilleure connaissance du répertoire de l’orgue !
ISSN n°2258-7640 – Dépôt légal à parution
Serge Rachmaninov
1873-1943
L’Île des morts
Transcription : Louis Robilliard
Inspirée par le célèbre tableau romantique d’Arnold Böcklin, conservé à Berlin, cette superbe page d’orchestre est ici adaptée pour son instrument par l’organiste lyonnais Louis Robilliard, titulaire de l’orgue de l’église Saint-François-de-Sales. D’une grande richesse de mouvements contenus, dans une ambiance générale assez sombre et dominée par les appels sinistres du Dies irae de la Messe de morts grégorienne, ce poème symphonique est ample et bouleversant. Le rythme de ses premières minutes semble être celui de la barque du nocher qui conduit les âmes sur le Styx : il est rendu par un motif tout en balancements qui, après de tumultueux développements, savamment mis en valeur par l’orgue, reviendra conclure l’œuvre dans un silence de repos éternel.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=-VXm3Vb1eRY
Hendrik Burkard, orgue Cavaillé-Coll – Roethinger – Gonzalez – Dargassies, La Madeleine, Paris
(Concert)
Modest Moussorgki
1839-1881
Les Tableaux d’une exposition
Transcription : Jean Guillou
Jean Guillou doit une partie de sa notoriété à ses nombreuses transcriptions. De nombreuses œuvres de Bach, Mozart, Vivaldi, Liszt, Rachmaninov, Prokofiev, Tchaïkovski sont entrées grâce à lui au répertoire des organistes virtuoses. Cette longue page pour piano, orchestrée par Maurice Ravel, semblait appeler les timbres de l’orgue, seul instrument capable de rendre les climats si contrastés de ces multiples séquences. Comme dans chacune de ses adaptations, Jean Guillou imprime sa marque et passe l’œuvre au filtre de sa flamboyante personnalité. Elle gagne un surcroît d’expressivité par l’écriture de passage spécifiques qui remplacent ceux qu’une simple adaptation aurait rendus plats ou sans intérêt (grands accords résonnants au piano, passages orchestraux particuliers…). Tout sonne avec une flamme inextinguible et, au passage, repousse les limites de la technique instrumentale par la virtuosité exigée ainsi que l’expressivité de l’instrument, ouvert à des nouveaux territoires sonores qui font oublier l’œuvre initiale.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=l-0WOoP4KL8
Jean Guillou, orgue Van den Heuvel, église Saint-Eustache, Paris
(Audition dominicale)
Camille Saint-Saëns
1835-1921
Danse macabre
Transcription : Edwin Lemare
Donnée lors de l’inauguration de l’instrument de la Philharmonie de Paris, cette transcription semble être idéale pour mettre en valeur les ressources sonores du nouvel instrument, largement exploitées en virtuose par celui qui fut l’un des organistes de Notre-Dame de Paris. La transcription prouve sa réussite, également, quand elle acquiert son autonomie par rapport à son modèle et existe comme véritable œuvre pour orgue, pleinement adaptée à son écriture (différenciation des voix par les claviers et le pédalier…), à ses capacités d’orchestration (registration qui ne cherche pas à imiter…), à ses effets particuliers (utilisation des boîtes expressives, du crescendo…). On peut aussi constater l’intérêt, pour le public, des consoles mobiles qui permettent à toute la salle de voir le musicien.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=aH0uD-v6CmQ
Olivier Latry, orgue Rieger, Philharmonie de Paris, Paris
(Concert)
Igor Stravinski
1882-1871
Le Sacre du printemps
Transcription : Bernhardt Haas
Le fastueux ballet composé par Igor Stravinski pour la compagnie de Serge de Diaghilev est ici adapté et interprété par un des plus brillants disciples de Jean Guillou. Comme les transcriptions de son maître, celle-ci se veut une singulière extension du possible, une véritable œuvre d’orgue, avec ses spécificités, qui fasse oublier l’original orchestral. Cette démultiplication des moyens physiques de l’interprète est ici permise par plusieurs systèmes dont le « replay » : l’organiste joue une première partie que l’instrument mémorise mécaniquement et restitue à volonté pendant que l’organiste peut jouer « avec lui-même » d’autres parties –dispositif ici utilisé. Cette adaptation, absolument sidérante, et les caractéristiques de cet orgue, libèrent le musicien et lui ouvrent des horizons nouveaux. Récemment démonté, cet orgue sera bientôt reconstruit dans la cathédrale de Koper, en Slovénie.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=bFHyepWyrAM
Bernhardt Haas, orgue Kleuker – Steinmeier, Tonhalle, Zurich
(Disque)
Claude Debussy
1862-1918
Nuages
Extrait des Nocturnes
Transcription : Quentin du Verdier
Si les œuvres de nombreux compositeurs se prêtent aisément à la transcription, du fait des caractéristiques de leur écriture musicale, d’autres peuvent sembler moins propres à subir ce traitement. Les particularités sonores, l’utilisation des timbres instrumentaux, l’écriture (jeu sur la résonnance, les arpèges, les crescendo…) peuvent être des critères qui freinent la transcription. Debussy, par la transparence de son orchestration et l’irréalité de son monde pianistique, est certainement le compositeur a priori le plus éloigné de l’orgue. Ce jeune étudiant du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris s’est aventuré à ce défi : on mesure la difficulté de l’exercice face à la ténuité des solos d’instruments d’orchestre croisés dans l’œuvre originale et que les sons sans expressivité propre de l’orgue rendent difficilement sans toutefois oublier le modèle orchestral, si mystérieux et diaphane. La transcription se doit donc de ne pas être une simple transposition imitative.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=6IYf6Lxzjcg
Quentin du Verdier, orgue Rieger, salle d’orgue, Conservatoire national supérieur de musique et de danse, Paris
(Production dans le cadre du cursus d’études de l’interprète)
Johann Sebastian Bach
1685-1750
Chaconne
Extraite de la Deuxième Partita pour violon seul BWV 1004
Transcription : Henri Messerer
D’une pièce écrite pour un violon, on a fait cette gigantesque transcription qui est presque une paraphrase, une sorte de vision « exponentielle ». D’autres musiciens de grande valeur, comme Franz Liszt ou Ferruccio Busoni, pratiquaient de la sorte. La transcription dépasse alors largement ses conventions et gagne un statut d’œuvre à part entière qui exploite toutes les ressources expressives de l’instrument de destination. C’est d’ailleurs le modèle de la transcription pour piano, par Busoni, de cette page célèbre, que Messerer s’est senti autorisé à l’adapter à son tour pour les ressources de l’orgue, ici particulièrement exploitées sur cet orgue historique, il fut celui de César Franck, de Charles Tournemire, de Jean Langlais, doté de dispositifs techniques récents.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=SfS14rpl0OI
Olivier Penin, orgue Cavaillé-Coll – Beuchet – Dargassies, basilique Sainte-Clotilde, Paris
(Production vidéo)
Hector Berlioz
1803-1869
Marche hongroise
Extraite de La Damnation de Faust
Transcription : Benjamin Righetti
La transcription fut aussi un outil de diffusion de la musique pour les particuliers, qui pouvaient jouer sur leur piano, les grandes pages qu’ils n’avaient pas la possibilité d’entendre autrement qu’au concert. Les pages d’orchestre ont de tout temps été réduites pour les instruments à clavier bien plus souvent présents dans les foyers qu’aujourd’hui. La célébrité des compositeurs passa par ce media tout à fait honorable, qui promouvait aussi la pratique instrumentale. La transcription répond aussi au souhait des instrumentistes d’étendre leur répertoire en s’appropriant des œuvres écrites pour d’autres formations. La réduction de l’orchestre aux claviers, le redéploiement des ressources du piano à celles de l’orgue posent des questions d’écriture délicates que le transcripteur doit surmonter de la même façon que pour une œuvre nouvelle. Les jeunes musiciens se prêtent à l’exercice encore de nos jours, et c’est tant mieux !
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=LAh63D6CksU
Benjamin Righetti, orgue Scherrer – Walcker – Kuhn, église Saint-François, Lausanne
(Production vidéo)
Maurice Ravel
1875-1937
Le Jardin féérique
Extrait de Ma Mère l’Oye
Transcription : Pierre-Octave Ferroud
Comme on pourrait le faire avec les œuvres orchestrales de l’instar de Claude Debussy, on peut s’interroger sur la difficulté d’adapter à l’orgue la singularité de l’écriture pour orchestre de Maurice Ravel. Dans ce cas, comme dans la transcription de Quentin du Verdier, il faut que le transcripteur ne cherche pas imiter l’orchestre en utilisant les timbres de l’orgue dans une simple logique imitative des instruments de l’orchestre, ce qui serait d’un sinistre inintérêt. Cette page scintillante, parfaite illustration de l’idée de magie musicale –comme L’Enfant et les sortilèges peut aussi en donner une idée- est une sorte de rêve musical. On aurait pu craindre que l’immensité parfois poussive de l’orgue la plombe d’une trop grande lourdeur. L’exploitation des ressources de cet orgue de concert récent, au design étonnant, permet d’adapter cette page très célèbre d’une façon tout à fait satisfaisante.
Lien : https://www.youtube.com/watch?v=tpXp3WEdxYo
Jean-Baptiste Robin, orgue Rosales, Walt Disney Concert Hall, Los Angeles
(Production vidéo)